Publié le 8 mars à 4 h 00 HAE

Radio Canada

Sans grande surprise, la Banque du Canada a décidé de garder le cap cette semaine en maintenant son taux directeur à 5 % – pour une cinquième fois d’affilée. Son gouverneur Tiff Macklem demeure préoccupé par la hausse du coût du logement, le facteur qui contribue le plus à l’inflation au pays.

Nous ne voulons pas maintenir une politique monétaire aussi restrictive plus longtemps qu’il le faut. Mais nous ne voulons pas non plus compromettre les progrès que nous avons réalisés pour réduire l’inflation, a-t-il affirmé en point de presse à Ottawa, mercredi.

Sa stratégie de resserrement monétaire peut toutefois sembler contre-productive : les taux d’intérêt élevés, qui réussissent à calmer la demande et à faire ralentir la hausse des prix dans plusieurs secteurs de l’économie canadienne, pèsent toujours sur les propriétaires qui détiennent un prêt hypothécaire.

En janvier, le coût de l’intérêt hypothécaire a bondi de 27,8 % en un an. Bon nombre de propriétaires refilent une partie de ce coût-là aux locataires. Les loyers ont augmenté de près de 8 % au cours de la même période.

Les taux d’intérêt élevés refroidissent aussi les promoteurs immobiliers, ce qui a entraîné une baisse historique des mises en chantier, particulièrement au Québec. Résultat : moins de logements neufs font leur entrée sur le marché, ce qui exacerbe une crise déjà aiguë d’un bout à l’autre du pays.

Plus on garde les taux élevés longtemps, moins on aura d’offre de logements dans un contexte de croissance démographique sans précédent au Canada, souligne Stéfane Marion, économiste et stratège en chef de la Banque Nationale.

Un couteau à double tranchant

Vous êtes nombreux à nous poser la question : pourquoi est-ce que la Banque du Canada ne vient pas simplement baisser son taux directeur et ainsi réduire ce fardeau qui pèse sur les emprunteurs et les promoteurs immobiliers?

Certains observateurs craignent qu’une baisse de taux précoce ne vienne surchauffer le marché immobilier.

C’est un peu un couteau à double tranchant. Le jour où elle baissera son taux directeur, ça facilitera l’accès à la propriété et, plus il y a de gens qui veulent acheter, ça va venir pousser à la hausse le prix des propriétés.Une citation dePhilippe Simard, directeur hypothécaire chez Ratehub.ca

Selon lui, dans un tel scénario, les prix ne rebondiraient probablement pas aux niveaux records des premières années pandémiques, en 2020 et 2021, mais il avertit que l’offre de logements n’est toujours pas au rendez-vous.

On a encore un problème d’inventaire dans le marché de l’immobilier, ajoute le courtier hypothécaire.

Déjà des signes de rebond

Le prix moyen des propriétés au Canada a chuté de 19 % par rapport au sommet enregistré en février 2022. Mais selon les données immobilières de décembre et de janvier, le marché aurait déjà atteint son creux et les prix commencent à rebondir.

Les ventes sont en hausse, les conditions du marché se sont assez tendues et il existe des preuves anecdotiques laissant croire que la concurrence est redevenue féroce entre les acheteurs, explique Shaun Cathcart, économiste principal de l’Association canadienne de l’immobilier.

Tiff Macklem, pour sa part, dit surveiller de près l’évolution du marché immobilier. Les transactions résidentielles semblent reprendre de la vigueur et pourraient s’accélérer davantage, craint le gouverneur de la Banque du Canada.

Ce rebond pourrait-il être plus fort que prévu? Oui, c’est possible, a-t-il avoué, en période de questions avec les journalistes, mercredi. Il s’agit, selon lui, d’un risque à la hausse qui pourrait pousser l’inflation à s’emballer de nouveau.

Si l’inflation a ralenti en début d’année, entrant tout juste dans la fourchette cible de la banque centrale, la pression sur les prix devrait persister encore quelques mois, selon elle.

Des gouvernements trop dépensiers?

Selon l’économiste Stéfane Marion, la banque centrale attend la fin de la saison des budgets afin d’évaluer si les dépenses des plus grosses provinces et du gouvernement fédéral jetteront de l’huile au feu. Sachant qu’en Colombie-Britannique, c’est un budget expansionniste, se pourrait-il que le Québec et l’Ontario optent pour la même stratégie? Avec le fédéral aussi? se demande-t-il.

Malgré le printemps plus chaud que d’habitude, la Banque du Canada y va avec la stratégie : avant avril, ne te découvre pas d’un fil.Une citation deStéfane Marion, économiste et stratège en chef, Banque Nationale

Le gouvernement du Québec présentera son budget mardi prochain, alors que l’Ontario fera le même exercice deux semaines plus tard, le 26 mars.

Le budget fédéral, lui, sera déposé le 16 avril. Plusieurs autres provinces, dont l’Alberta et le Nouveau-Brunswick, ont déjà dévoilé leurs programmes de dépenses pour la prochaine année.

Dans ce contexte-là, c’est pour ça que la banque centrale doit attendre le mois d’avril pour avoir vu ces budgets-là avant de totalement se prononcer sur le type de politique, la structure de taux d’intérêt qui est nécessaire, lance M. Marion.

Une baisse de taux en avril?

En plus des nouvelles mesures budgétaires qui s’annonceront au cours des prochaines semaines, la Banque du Canada aura le temps de décortiquer les plus récentes données sur l’inflation, la croissance économique, le marché de l’emploi et les ventes immobilières.

L’économiste Stéfane Marion souligne que les signes d’un ralentissement économique sont déjà bien présents. Ce qu’on constate, c’est qu’il y a une croissance des profits des entreprises qui est beaucoup plus faible et des faillites qui sont en hausse, ce qui est annonciateur d’un marché de l’emploi moins vigoureux, affirme-t-il.

Mais si on attend de constater une inflation à 2 % avant de baisser les taux, l’économie sera déjà dans un marasme important.

Est-ce que ce sera suffisant pour inciter la banque centrale à baisser son taux directeur le mois prochain? Questionné là-dessus mercredi, le gouverneur est resté plutôt vague.

La baisse des taux d’intérêt, la première depuis leur plongeon spectaculaire au début de la crise sanitaire, pourrait se concrétiser en juin plutôt qu’en avril, selon les prévisions des marchés et des grandes banques canadiennes.

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