Brian Myles

Publié hier à 0h00

Éditorial

Il est grandement question de la pénurie de logements locatifs dans le débat public, et pour cause. L’accès à un toit, un droit fondamental, n’a jamais paru aussi complexe et fragile qu’en cette époque de chamboulements. Une autre crise, tout aussi préoccupante, se profile à l’horizon pour les propriétaires.

Nos journalistes Zacharie Goudreault et Samuel Ouvrard rapportaient récemment que les propriétaires immobiliers étaient sous pression. Selon les données compilées par Le Devoir à partir du Registre foncier du Québec, le nombre d’actes de difficultés financières a bondi de 39 % entre 2022 et 2023. Le nombre de préavis d’exercice envoyés par des créanciers à court de patience, et qui menacent de reprendre ou de vendre la maison, a grimpé de 49 % pendant cette même période.

La bonne nouvelle, si l’on peut parler ainsi, c’est que la situation est moins décourageante qu’avant la pandémie. La mauvaise nouvelle, c’est que de nombreux experts craignent une détérioration des conditions du marché si certains nuages gris continuent de s’accumuler au-dessus de la tête des propriétaires, à savoir une hausse du taux de chômage, qui était de 5,7 % au Québec en juin dernier, une persistance de l’inflation et un recul du taux directeur pas assez rapide pour éviter un choc aux ménages qui renouvelleront leurs prêts hypothécaires dans les prochains mois. Selon les estimations du Surintendant des institutions financières, environ les trois quarts des prêts hypothécaires au Canada viendront à échéance d’ici la fin de 2026.

Ces conditions sont particulièrement ingrates pour les jeunes et les premiers acheteurs, qui ont dû trimer dur pour accumuler l’épargne nécessaire à l’achat d’une propriété. Les jeunes ne l’ont pas facile dans ce siècle déréglé. La pandémie et les confinements successifs les ont privés d’occasion de socialisation, à l’école ou au travail. Le marché locatif se résume à une porte fermée ou à une oeuvre de séduction pour gagner à la loterie de l’appartement salubre à un prix décent. Les jeunes sont les premières victimes de la baisse du marché de l’emploi avec un taux de chômage qui se chiffrait à 10,3 %, le mois dernier, au Québec.

Ajoutez la crise climatique et les conflits armés dans le monde, et demandez-leur encore pourquoi ils sont si anxieux par rapport aux générations précédentes. Fin de la parenthèse.

La détérioration du marché hypothécaire n’affecte pas seulement les jeunes, mais tous les ménages qui risquent de se retrouver à court de liquidités pour absorber une hausse du loyer de l’argent lors du renouvellement de leur prêt hypothécaire. Le président de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), Éric Sansoucy, appréhende une hausse des reprises de finance et des contrôles judiciaires d’ici la fin de l’année. Déjà, pour les cinq premiers mois de l’année 2024, 3700 actes de difficultés financières, 2550 préavis d’exercice pour des créanciers impayés et 154 saisies de propriétés ont été répertoriés dans le Registre foncier, révélait Le Devoir.

Les propriétaires pris à la gorge dépendront de la mansuétude des banques pour obtenir des assouplissements dans leur remboursement de leurs prêts. Les banques sont déjà sur le qui-vive à l’échelle du pays. Elles détiennent près des trois quarts des prêts hypothécaires. La conjoncture les a forcées à augmenter les provisions pour mauvaises créances de 2,5 à 4,1 milliards de dollars. C’est une mesure élémentaire de prudence dans un pays où le taux d’endettement des ménages avoisine les 180 % du revenu disponible.

Heureusement, l’inflation a ralenti à 2,7 % sur une base annuelle, en juin dernier. La Banque du Canada a également abaissé le taux directeur à 4,5 %, le 24 juillet, une baisse de 0,25 point. Les conditions d’accès à la propriété sont par ailleurs meilleures qu’elles ne l’étaient depuis 2019 avec la décélération de l’économie, mais l’accalmie pourrait être de courte durée. Dans sa plus récente étude, la Société canadienne d’hypothèques et de logement prévoit une augmentation de la dette hypothécaire en raison des pressions adverses exercées par la hausse des valeurs et la baisse de l’emploi.

Le marché immobilier n’est pas comme les autres. De toutes les époques, son éclatement a entraîné des conséquences désastreuses sur la qualité de vie et le bien-être des citoyens, la vitalité des collectivités et du parc immobilier, la vigueur de l’économie et des institutions bancaires. Quand l’immobilier s’effondre et que des propriétaires se retrouvent sans toit ni épargne au terme d’années de labeur, il y a une facture sociale et politique à payer. Nos gouvernements feraient mieux de ne pas l’oublier, car dans l’état actuel des finances publiques, ils ne seront pas en mesure de jouer les sauveurs keynésiens si une bulle immobilière venait à éclater. 

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